Daniell Bell, Daniel patrick Moynihan, Irving Kristol, Nathan Glazer, "parrains" du néoconservatisme
Daniell Bell, Daniel patrick Moynihan, Irving Kristol, Nathan Glazer, “parrains” du néoconservatisme

Mémoire sur les néoconservateurs – Partie II – Un courant septuagénaire

Le néoconservatisme, selon la division la plus communément partagée, suit une évolution historique qui tient en trois grandes périodes distinctes : Avant l‘ultime transformation du néoconservatisme sur les bases d’un messianisme offensif, pour tirer profit d’un « moment américain », dans les années 1990 (que nous verrons dans une autre grande partie), il y a tout d’abord les premières années de formation du corpus intellectuel au sein du City College of New York, jusque 1963 ; Puis la lutte contre la Détente et le relativisme moral des années soixante et soixante-dix incarné par la Nouvelle Gauche américaine, transformée dans les années 1980 en soutien à la politique extérieure musclé de Reagan.

1. Les jeunes du City College of New York

City college of NYA l’origine du néoconservatisme, il existe un petit groupe de jeunes intellectuels présents au sein du City College of New York (CCNY) à partir du milieu des années trente. Venant des classes populaires, immigrés ou descendants d’immigrés pour la plupart, juifs pour beaucoup d’entre eux, ils n’ont pas eu accès aux institutions de prestige comme Harvard. Engagés à gauche, ils vont se forger une culture politique à la lumière du conflit qui existe entre communistes staliniens et trotskystes au sein du Collège. On parlera même de « compartiment 1 » et de « compartiment 2 » dans l’enceinte de la cafétéria entre les deux groupes politiques. Ces jeunes élèves sont principalement Irving Kristol, Nathan Glazer, Daniel Bell, Seymour Lipset, Irving Howe, Philip Selznick et Patrick Moynihan. La majorité d’entre eux avaient des sympathies pour les trotskystes, parce qu’ils avaient été des premiers à dénoncer la cruauté et la dangerosité du régime Stalinien. Ils étaient résolument anticommunistes et critiquaient avec virulence la naïveté et l’ignorance des libéraux (au sens américain du terme, c’est-à-dire, l’extrême gauche) qui flirtaient avec les communistes. Contrairement aux républicains les plus conservateurs, les jeunes du City College New York n’étaient pas anticommunistes du fait qu’il s’agissait d’une idéologie qui remettait en cause les fondements du libre-échange, de la chrétienté et qui venait d’une puissance extérieure. Ils manifestaient, comme n’importe qui le pourrait, un réel intérêt pour les objectifs d’égalité sociale et d’émancipation humaine prônée par le marxisme. Mais ils étaient déterminés à ouvrir les yeux de la société américaine sur la dérive historique et la brutalité des applications staliniennes de ces théories. Pour ceux qui deviendront plus tard les pères du néoconservatisme, le volontarisme politique a des limites : A trop vouloir changer radicalement la société sur de nobles principes, on aboutit souvent à des situations monstrueuses. Ce constat sonne comme un appelle à l’humilité et à la réforme aussi bien pour les communistes que pour les adeptes du libéralisme économique pur et dur, jugé comme une valeur inébranlable avant la crise de 1929.

Norman Podhoretz
Norman Podhoretz

Après les politiques de New Deal et surtout la signature du pacte germano-soviétique en 1939, une grande partie du groupe du CCNY amorça un virage à droite sur la base d’un soutien actif à Franklin Delano Roosevelt et Harry Truman : la « trahison » de Staline et son entente avec le totalitarisme nazi consacrait selon eux la faillite du socialisme. Les révélations sur les crimes de Staline, notamment l’assassinat de Trotski en 1940, avaient encore accru leur anticommunisme. A partir de 1947, avec la guerre froide et la chasse aux sorcières maccarthyste qui suivra, de nombreuses défections à gauche vinrent grossir les rangs des néoconservateurs, désormais organisés autour de la revue new yorkaise Commentary, dirigée par Norman Podhoretz.

Arthur Schlesinger junior
Arthur Schlesinger junior

Ils soutiennent la politique américaine d’après-guerre, qui a notamment été forgé suite au livre d’Arthur Schlesinger junior, le Centre vital 1 . Cette politique consiste à allier défense de la démocratie libérale à l’extérieur, contre les communistes, et perfectionnement de la démocratie libérale à l’intérieur par les politiques sociales : Cela se manifeste à l’extérieur par le Containment initié sous la présidence Truman, le soutien aux Nations unies et la poursuite du plan Marshall lancé en 1947. Sur le plan intérieur, Schlesinger prône une économie de marché régulée par l’Etat : protection par l’Etat providence, défense des syndicats, défense des libertés publiques et l’égalité civique….etc.

1. Arthur Schlesinger Jr , The Vital Center : The Politics of Freedom. Boston, 1949

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