Opposants à la guerre du Vietnam
Opposants à la guerre du Vietnam

Avec la guerre du Viêt-Nam et la vague de contestation montante dans le pays en réaction à l’enlisement de l’US Army, les choses vont pourtant changer. Le consensus entre la majorité des républicains et des démocrates visant à conduire la politique de Welfare State tout en défendant la démocratie à l’extérieur du pays est rompu par une grande partie des démocrates. Une nouvelle gauche américaine (New Left) émerge à partir de la contre-culture et du pacifisme qui existe chez les opposants à la guerre du Viêt-Nam. Sur le plan intérieur, elle est incarnée par les programmes politiques de Lyndon Baines Johnson (War on poverty & Great Society) qui reprend les thèmes suivants : aide à l’éducation, lutte contre la maladie, sécurité sociale, rénovation urbaine, embellissement, écologie, développement des zones négligées, lutte à grande échelle contre la pauvreté, contrôle et prévention du crime et de la délinquance, disparition des derniers obstacles au droit de vote. Ce rapprochement du modèle social américain avec les politiques menées en Allemagne, en France et au Royaume-Uni sera très vite la cible des néoconservateurs. Irving Kristol et Daniel Bell fondent en 1965 la revue The Public Interest dans le but d’organiser ces critiques et d’influencer une opinion publique qui sympathise de plus en plus avec les idéaux marxistes et le mouvement des droits civiques.

Dirigée par Kristol, The Public Interest rassemble des intellectuels, des sociologues et de nombreux universitaires comme Nathan Glazer, Patrick Moynihan, James Wilson, Glen Loury, Charles Murray, Stephan Thernstrom…Des personnalités comme Samuel Huntington1 dénoncent les effets pervers de la politique dite de « Great Society » : stigmatisation envers les noirs issue des mesures antidiscriminatoires, encouragement des naissances hors-mariage et accroissement de la précarité des exclus avec l’Aid to families with dependent children (AFDC), désordre social causé par la mixité raciale dans les écoles, accroissement des familles monoparentales avec la sécurité sociale…Les néoconservateurs concentrent leurs critiques sur une politique sociale jugée trop ambitieuse. Cette critique constante, d’ordre intérieur, ils la lient directement à celle du communisme. Les Etats-Unis comme l’URSS sont condamnés à créer de nouveaux désordres dans leur société si ils persistent à mettre en place des systèmes sociaux trop complexes et finalement aussi inefficaces que coûteux. Ces conceptions des néoconservateurs attireront une grande partie de la classe moyenne américaine et de ses travailleurs pauvres, se sentant délaissés par une administration à l’origine de politiques sociales dont ils sont exclus.

The Doors, un des symboles de la contre-culture
The Doors, un des symboles de la contre-culture

La lutte contre la contre-culture qui émane de la jeunesse universitaire et des pacifistes est aussi un cheval de bataille du mouvement néoconservateur. L’ouvrage de référence qui marque les esprits est sans conteste The closing of american mind, qui sera publié en 1987, et dans lequel l’auteur, Allan Bloom, élève de Léo Strauss à l’Université de Chicago, considère que l’Amérique se doit de fournir une bonne éducation à sa jeunesse en s’appuyant sur les valeurs libérales et surtout les grands textes philosophiques de l’Antiquité.2 Il rejette l’équivalence morale entre la tradition américaine et les nouvelles cultures :

[…] Tout est devenu culture, écrit-il ; culture de la drogue, culture rock, culture des gangs de la rue et ainsi de suite sans la moindre discrimination. L’échec de la culture est devenu une culture.

1. Il sera plus tard mondialement connu pour son ouvrage Le choc des civilisations, Odile Jacob, 2000, initialement paru sous la forme d’un article en 1996 dans la revue « Foreign affairs »

2. Allan Bloom, The closing of american mind, traduit par l’âme désarmée : essai sur le déclin de la culture générale, Paris, Julliard, 1987.

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