Depuis le début de l’année et pour les années à venir, la FED et les autres grandes banques centrales devront jouer les équilibristes : soutenir les marchés financiers et les rémunérations bancaires avec l’argent public et les taux zéro et finalement faire imploser le système monétaire, ou bien remonter les taux pour éviter l’emballement de l’inflation (et la création d’une nouvelle bulle) et finalement précipiter le prochain krach boursier.

Économie réelle morte, système financier sous perfusion

les taux d'intérêt ont tous été abaissés au minimum pour tenter de relancer l'économie par la dette / le crédit
les taux d’intérêt ont tous été abaissés au minimum pour tenter de relancer l’économie par la dette / le crédit

Pour sauver le système financier en faillite depuis septembre 2008, les Etats ont déversé des milliers de milliards de dollars aux banques, à l’industrie immobilière (dispositifs fiscaux) et automobile (prime à la casse) et continuent à le faire avec la politique monétaire. En effet, même après les plans de relance de l’hiver 2008-2009, les banques centrales (FED, BOE, BCE) rachètent toujours des dettes pourries aux établissements en faillite mais surtout prêtent de l’argent au système bancaire gratuitement, c’est à dire à un taux d’intérêt de0.25% maximum (1% pour la zone euro). On en rêverait pour financer ses études ou sa maison !

Les fonds sont finançés avec l’argent des contribuables (augmentation des impôts et création de nouvelles taxes, surtout en Europe où les gens ont l’habitude) mais aussi avec les emprunts gouvernementaux auprès des marchés financiers : plus les Etats sont endettés et insolvables, plus ils doivent emprunter avec des intérêts importants, surtout pour les petits Etats (Grèce par exemple) dénoncés plus vite par les agences de notation que les grands Etats, même ceux qui sont davantages risqués, pour éviter la panique sur les marchés. Depuis quelques temps, le fait de prêter de l’argent à un Etat est même devenu plus risqué que de prêter à une entreprise ! Beaucoup d’Etats occidentaux feront défaut sur leur dette au moins partiellement dans les prochaines années. L’incertitude réside avant tout dans l’ordre dans lequel ils feront défaut car la vitesse de l’emballement  

dettes = hausse des intérêts = dettes supplémentaires = cercle vicieux jusqu’au défaut de paiement

dépend surtout de l’idée que les investisseurs/spéculateurs (marchés financiers) se font de l’état du pays, basé sur l’information dans les grands médias internationaux.

Quantitative Easing (création monétaire)

Les banques privilégiées, "sauvées" par l'État, lui prête ensuite de l'argent que la Banque Centrale a créé pour elles.
Les banques privilégiées, « sauvées » par l’État, lui prête ensuite de l’argent que la Banque Centrale a créé pour elles.

En terme de dette globale, comparativement aux autres Etats, les Etats-Unis (et le Royaume-Uni + Japon) sont dans la pire situation. Incapables d’augmenter leurs impôts à cause de leur culture économique et du chômage, ils préfèrent financer leur « croissance » et leur « reprise » en créant directemment de la monnaie à partir de rien : ce qui fait baisser leur monnaie même si le dollar a un statut spécial qui le fait remonter brièvement par épisodes (carry trade vs valeur refuge, et spéculation contre la zone euro).

Bulle des actifs en Chine

Avec l’argent de l’Etat, les banques et investisseurs font grimper la bourse en achetant des actions sur l’or et les matières première s et en investissant, notamment dans la Chine et les pays émergeant, y compris dans des entreprises qui ne reposent sur rien et ne rapporteront rien faute de clientèle (hormis les chinois eu x-mêmes poussés à s’endetter comme les américains depuis les années 1970 avant d’être ruinés). C’est la raison pour laquelle une bulle immobilière et financière gonfle en Chine et est sur le point d’éclater.
De plus en plus de monde prend conscience que la reprise des bourses (basée sur les populations taxées, l’endettement public et la planche à billet) qui créé une bulle asiatique est artificielle, n’aide pas l’économie réelle et est potentiellement très dangereuse. C’est pourquoi se jouent ces prochains mois des débats cruciaux sur la politique monétaire actuelle qui provoque cette « reprise », car les choix qui sont faits auront des répercussions sur la forme que prendra la crise économique dans les prochaines années. La BCE a officiellement demandé aux dirigeants politiques européens la permission de pouvoir aider les banques sans obligation de le communiquer au public, les « sauvetages » étants devenus de plus en plus immoraux et impopulaires.

Taux d’intérêt stables ou remontés ?

Si les taux restent très bas :  l’argent (venant donc du contribuable, de l’endettement public et des « planches à billet ») continue de se deverser des populations occidentales vers la bulle asiatique à travers les banques et les bourses. Les rémunérations financières continuent à battre des records, l’immobilier et l’automobile baisseront plus lentement que leur chute naturelle. Mais les Etats vont devoir toujours plus payer leurs dettes en monnaie de singe, la monnaie va perdre de sa valeur et le système monétaire implosera, dollar en tête. Les autorités tentent de faire en sorte que l’extraordinaire extension de la masse monétaire (courbe de M3) soit contenue dans les réserves bancaires et le système financier en général mais la monnaie étant un moyen d’échange de biens et de services, il est naturel que les créanciers utilisent cette argent dans l’économie réelle, soit pour investir (le plus souvent), soit pour consommer. La repri se de l’activité présente un très fort risque de déversement brutal et massif des liquidités crées par les banques centrales vers l’économie réelle, alimentant un cycle négatif d’inflation. C’est le choix 1, celui de l’inflation, voir l’hyperinflation.

L'Argentine, l'Allemagne et la Hongrie ont connu l'hyperinflation la plus extrême
La Yougoslavie, l’Allemagne et la Hongrie ont connu l’hyperinflation la plus extrême

Si au contraire les taux remontent : Comme les banques et les investisseurs se sont assurés contre une remontée des taux (car les opérations économiques basées sur le crédit coûtent plus cheres si les taux remontent ), les assureurs feront faillite. La bourse ne sera plus artificiellement alimentée par l’argent des Etats et son état s’alignera brutalement sur celui de l’économie réelle, c’est à dire qu’elle s’éffondrera, plus bas encore qu’en mars 2009. La bulle asiatique explosera comme les subprimes américains (ces derniers n’ont d’ailleurs explosé qu’à 50%, beaucoup de prêts hypothécaires arrivant à échéance dans les deux prochaines années, notamment les prêts Alt A). Toutes les faillites qui ont été repoussées temporairement s’enchaîneront et les dettes devront être payées pendant des années. C’est le choix 2, celui de la dépression.

À terme : hyperinflation ou dépression

Ben Bernanke, le président de la Banque Centrale américaine est la "personne de l'année" 2009
Ben Bernanke, le président de la Banque Centrale américaine est la « personne de l’année » 2009

Ces deux options sont des choix historiques et non des scénarios hypothétiques. Or, les hommes politiques ne peuvent pas choisir entre la peste ou le choléra. C’est pourquoi, ils espèrent que les politiques monétaires des banques centrales seront suffisamment intelligentes pour réussir un numéro d’équilibriste entre hyperinflation et dépression en augmentant les taux petit à petit et que le système financier n’en sera pas affecté. Mais :

  1. La montagne de dettes du système financier est si haute que le relèvement des taux d’intérêts provoquerait des faillites (car les dettes des acteurs économiques explosent quand les intérêts composés augmentent)
  2. Chaque pays attend que ce soit l’autre qui remonte ses taux d’intérêts en premier et chaque pays trouve son intérêt à laisser sa monnaie perdre de la valeur. Les Etats-Unis sont clairement gagnants à court terme à continuer l’option 1 car la baisse du dollar aide les exportations et tue plutôt l’économie européenne.
  3. Du coup, les européens (zone euro) ne peuvent pas se permettre de remonter leurs taux alors qu’ils sont déjà pénalisé par l’euro fort.
  4. Les bénéficiaires du système financier sont perdants avec l’option de la dépression (car tous les prix et les profits baissent) mais avec l’inflation, ils peuvent s’enrichir et transformer leur richesse (en or) avant d’être potentiellement ruinés par l’hyperinflation. La population -elle- est perdante avec les deux options.
  5. Ben Bernanke, le président de la banque centrale américaine (qui décide entre les deux options et donne le la pour toutes les autres banques centrales) a été reconduit pour quatre ans à la tête de la banque centrale américaine (FED) en janvier. Il continuera très probablement la politique de taux bas quitte à faire imploser le dollar, la même politique qui transfère l’argent imprimé ou venant des contribuables vers le système financier pour assurer la « reprise » (et qui lui vaut d’être l’Homme de l’année 2009 selon Time magazine). Bernanke était et demeure cependant très contesté par beaucoup de parlementaires et de citoyens américains qui estiment qu’il est responsable (avec Alan Greenspan, Robert Rubin, Larry Summers et Tim Geithner) de la crise mais Barack Obama le soutient en pensant qu’il réussira le numéro d’équilibriste entre taux bas et remontée des taux…

Les taux bas jusqu’au bout, option la plus vraisemblable

L’orientation que prennent les politiques monétaires est donc celle de l’inflation (que les autorités pensent maîtriser) pour continuer la « reprise ». Pour donner une image, c’est comme si vous aviez choisi de prendre un énième crédit et d’imprimer des faux billets pour rembourser vos dettes au lieu de vous serrer la ceinture pendant longtemps.
Dans le même temps, Tim Geithner, le ministre de l’économie américain (secrétaire au Trésor) est le maillon faible de l’administration atuelle pour redresser la confiance des américains envers leur gouvernement car il aurait conseillé à l’assureur AIG de mentir pour ne pas dire que l’argent des contribuables américains qu’il recevrait irait à ses anciens collègues de Goldman Sachs…et à un banque française. Barack Obama, conseillé par Paul Volcker, ne veut plus que les banques puissent mélanger les activités de dépôt et d’investissement (en produits dérivés et en trading). C’est ce mécanisme qui a conduit en trente ans aux subprimes et à la crise financière actuelle et il faudrait probablement revenir dessus. Mais le piège est que le supprimer conduirait au dépôt de bilan de l’ensemble des banques qui ont mélangé ses deux activités (dépôt et investissement) et à un krach boursier bien plus grave que celui de 1929.

On ne sait donc pas si la « reprise » va pouvoir continuer avec une politique de taux bas permettant au système financier de se maintenir artificiellement à flot. A cause de cette incertitude, la bourse (indice S&P500 à New York puis toutes les autres bourses) est attentiste et volatile : elle a beaucoup augmentée depuis le (1er) fond touché en mars 2009 et ne peut éviter l’effondrement que si les taux restent bas. Je pense que les taux vont rester à 0% pour continuer la « reprise » via la dette et l’inflation. Les conséquences de cet artifice devraient être repoussées à une autre année au mieux, ou à la fin de cette année au pire.

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