Les États affaiblissent leur monnaie pour tenter de relancer leur économie par l’exportation
Les principaux États de la planète, Japon en tête, essaient de vendre davantage de biens et de services moins chers aux autres États, avec une devise qui vaut moins. Or, la dépréciation d’une monnaie A entraîne l’appréciation d’une autre monnaie B. Avec des gagnants et des perdants…
L’Allemagne est opposée à la dévaluation compétitive car ses principaux clients ont la même monnaie qu’elle : l’euro. Ils préfèrent donc l’austérité, c’est à dire que leurs clients français, italiens et espagnols dépensent moins et lèvent plus d’impôts…mais continuent d’acheter leurs produits (est-ce cohérent ?). Une dévaluation européenne aurait l’inconvénient de renchérir le coût des importations hors zone euro : du pétrole saoudien et surtout du gaz russe, auquel Berlin est autant sinon davantage dépendant que Paris. Malgré les spéculations sur l’éclatement de l’euro, hier encore alimentées par un dirigeant de Saxo Bank, la zone euro continue à être le grand perdant de la guerre monétaire en cours, avec une économie en récession et une monnaie qui baisse moins vite que les autres, donc considérée comme “trop forte”, notamment par rapport au Dollar US.
La Suisse est dans la situation inverse de l’Allemagne : elle vend des produits aux européens mais dans une monnaie “trop forte”. Depuis avril 2012, la Banque Nationale de Suisse dévalue systèmatiquement le Franc Suisse pour qu’il vaille moins de 1,20 euro, afin que les entreprises puissent être compétitives à l’exportation.
La Russie s’inquiète de l’appréciation du Rouble, qui rend chaque jour plus chère l’énergie qu’elle vend aux autres États de la planète : un équilibre est nécessaire entre le volume des ventes qui alimentent les caisses du Kremlin (et les profits des conglomérats) et le prix, qui comprime la demande lorsqu’il est trop élevé. L’Inde suit le chemin du Japon et d’autres États qui dévaluent leur monnaie pour limiter la crisé économique en cours. Le Brésil aussi, fortement pénalisé par l’appréciation du Real ces dernières années.
Les États-Unis sont ravis de pouvoir accroître la création de dollars par la FED pour 1) soutenir le marché des actions aux États-Unis 2) garantir la valeur du bilan des principales banques 3) continuer de prêter à l’État fédéral, dont les obligations souveraines (promesses de remboursement) ne rapportent plus assez (taux d’intérêt) par rapport au risque de défaut de paiement (faillite) :
…puisque l’effondrement absolu du dollar est masqué par sa hausse relative par rapport au Japon, qui dévalorise encore plus vite sa monnaie. En somme, les États-Unis sont gagnants sur les pays exportateurs du monde entier, contraints d’acheter leur dollars pour rester compétitifs. Combien de temps le supporteront-ils ?
La Chine apprécie peu la politique monétaire des États-Unis, alors même qu’elle est régulièrement attaquée sur “la manipulation” de sa propre monnaie, le yuan. Les autorités chinoises sont confrontées à un dilemme sur les promesses de remboursement du gouvernement américain qu’elles détiennent (bons du trésor US) : il leur faut s’en débarrasser à temps, par exemple contre des matières premières, mais sans en faire chuter la valeur, c’est à dire très progressivement.
Une interview intéressante de Jacques Sapir sur la guerre des changes :